Déluge / le plus beau cadeau de départ/nouvelle terre

Le côté B du vinyle commence avec une nouvelle série de chansons qui s’enchaînent. La première s’appelle Déluge. C’est comme un nouveau commencement dans l’album. C’est pour ça qu’on retrouve à nouveau le son du vent qu’on entendait au tout début de l’album.

Dans le mythe guarani, on est rendus au cycle du déluge. Après la création de la première terre et des humains, un déluge s’abat sur la première terre et détruit tout sur son passage. Les humains qui se sont mal comportés ont été anéantis, ou encore se sont transformés en êtres inférieurs comme des grenouilles, des scarabées ou des oiseaux. Ceux qui se sont bien comportés ont pu se réfugier dans la demeure céleste des dieux ou ont réussi à se construire une maison dans les montagnes, à l’abri de l’eau. Le déluge est ici le symbole de la séparation entre le divin et l’humain. Désormais, les humains ne vivent plus en harmonie avec les dieux. Ils ne sont que des humains. Mortels.

Musicalement, je voulais donc faire sentir qu’on assistait à un événement perturbateur. À un changement de ton. Le bouleversement du déluge est exprimé par les roulements de tambours.

On en arrive alors à la prochaine chanson : Le plus beau cadeau de départ. C’était important pour moi qu’il y ait une coupure nette, un changement brusque. Comme le déluge qui anéantit tout en quelques secondes. Je voulais aussi qu’il y ait un gros contraste dans la musique: qu’on passe des gros tambours terreux aux petites percussions électroniques. Pour qu’on sente qu’on se dirige vers un nouveau monde.

Le plus beau cadeau de départ permet d’annoncer la venue de la nouvelle terre. C’est une chanson qui vise à nous faire quitter la première terre, détruite par le déluge, et nous diriger vers le nouveau monde.

J’ai écrit cette chanson durant les premiers mois de la pandémie. J’avais alors le sentiment qu’on était en train d’assister à la fin d’un monde. La pandémie était comme un déluge qui était en train de nous anéantir. Comme plusieurs, ça m’a amené à réfléchir sur ce qui avait de la valeur dans nos vies. J’ai été parmi ceux qui croyaient que tout ça était une occasion de reconstruire sur des meilleures bases. C’est pour ça que je parle du déluge comme « le plus beau cadeau de départ ». Le plus cadeau, c’est de pouvoir recommencer à neuf. La destruction de l’ancien monde laisse un espace vide qu’on peut choisir de combler comme on veut.

Le déluge nous mène finalement à la Nouvelle terre. Selon le mythe guarani, la nouvelle terre, c’est notre planète. C’est le lieu de probation de l’humanité : si les humains n’agissent pas correctement, les dieux peuvent à nouveau provoquer un déluge et tout détruire. Le mythe est donc un récit du passé, mais nous tourne en même temps vers l’avenir. Il est impossible de ne pas y voir le destin de l’humanité : après avoir détruit notre planète, on se cherche une nouvelle terre pour recommencer à neuf.

Encore ici, j’ai voulu marquer une coupure avec la chanson précédente pour qu’on comprenne qu’on débarque sur un nouveau territoire. En fait, Déluge et Le plus beau cadeau de départ sont les différentes stations d’un même voyage nous menant à la nouvelle terre.

Le solo de guitare tourmenté évoque une planète tumultueuse et aride. C’est souffrant de se retrouver sur ce nouveau territoire inexploré. Mais après l’intensité des premiers temps, on en arrive à un plateau où on peut se déposer et contempler la nouvelle planète qui est la nôtre. Il y a quelque chose de rétro-futuriste dans les sonorités. On est encore une fois dans le passé et dans l’avenir.